Vendredi 26 février 2021
- Biens culturels
- International
- Lutte contre la fraude et les trafics
- Missions et organisation de la douane
Remise au Royaume du Maroc par les autorités françaises d’objets archéologiques
Jeudi 15 octobre 2020, remise au Royaume du Maroc par les autorités françaises d’objets archéologiques au Musée des Civilisations de l‘Europe et de la Méditerranée.
Saisie des 25.000 objets archéologiques
Réalisée à Marseille le 15 novembre 2005
Les agents de la brigade d'Arles interceptent lors d’un contrôle à la circulation un véhicule conduit par un ressortissant marocain, à bord duquel ils découvrent un chargement de fossiles et de divers objets d'art africain.
Réalisées à Perpignan en 2005 et 2006
Le 8 décembre 2005 : les agents de la brigade de Perpignan contrôlent un véhicule conduit par un ressortissant marocain, résident italien, et découvrent plusieurs cartons contenant des pierres polies, des bijoux en pierre et en os et des gravures d'animaux sur pierre.
Le 30 novembre 2006 : les agents de la brigade de Perpignan interceptent lors d’un contrôle à la circulation un fourgon conduit par deux ressortissants marocains, à bord duquel ils découvrent plusieurs milliers d’objets anciens, minéraux, pierres fossiles et objets métalliques divers.
Au total, ce sont 24 459 objets archéologiques (plus de 2,9 tonnes de marchandises), pour lesquelles, les autorités marocaines ont en 2007 fait connaître leur volonté de se voir restituer les marchandises.
En octobre dernier, la France a officiellement remis aux autorités marocaines près de 25.000 objets archéologiques lors d'une cérémonie organisée au MUCEM. Cet un ensemble exceptionnel avait été saisi en France lors de trois contrôles douaniers. Ces affaires illustrent bien le «fléau» que représente les pillages de biens culturels. La Douane française contribue à la protection du patrimoine en luttant quotidiennement contre ces trafics.
Préhistoire et paléontologie
Les objets restitués touchent essentiellement à la préhistoire et à la paléontologie. Ils forment un lot très impressionnant par son volume et par le nombre de pièces, mais pour juger de son importance réelle, il convient de tenir compte du fait que les pièces saisies résultent d’un pillage systématique, et non de découvertes fortuites occasionnelles.
Dans tous les cas, il s’agit d’une sélection systématiquement opérée dans de très vastes régions pour prélever des pièces considérées comme attractives pour les collectionneurs. Un choix est donc effectué sur les sites en faveur des pièces les plus volumineuses, ou les plus spectaculaires, sans aucun égard pour leur valeur scientifique.
Par exemple, les sites préhistoriques ainsi exploités sont très généralement des sites de surface, situés en zone saharienne ou présaharienne, où il est particulièrement facile de les arpenter pour s’emparer des pièces les plus visibles. Ce que les pilleurs ignorent, de même que, généralement, le grand public, c’est qu’une fois que ces pièces ont disparu du site, celui-ci perd une grande part de son intérêt, et que les pièces elles-mêmes sont dénuées de toute valeur informative si elles ne sont pas précisément documentées.
Si l’une des boîtes est remplie, par exemple, d’objets taillés pédonculés, un préhistorien y reconnaîtra sans peine ce que les spécialistes appellent des « pièces atériennes », caractéristiques d’une culture paléolithique typique de la moitié nord de l’Afrique, et appelée « Atérien ». Mais cela ne nous apportera aucune information nouvelle: nous savions déjà que l’Atérien existe dans cette région.
Par contre une étude détaillée des sites où ces objets ont été prélevés aurait eu des chances de nous informer, par exemple, sur l’usage de ces objets, sur l’organisation sociale des groupes qui les utilisaient, sur leur contexte environnemental, etc. Mais pour cela, encore faut-il que tous les objets du site restent en place, et qu’ils ne soient pas déplacés, et encore moins prélevés. Il en est de même pour toutes les pièces préhistoriques présentées ici: elles ne nous apportent aucune information nouvelle, alors que sur leurs sites de provenance, elles auraient pu contribuer à enrichir notre connaissance du passé.
Haches polies et meules
Autre exemple, les haches polies et les meules, dont l’abondance montre que des dizaines de sites ont été «écrémés» pour y ponctionner les objets les plus remarquables, ce qui rend lesdits sites impossibles à étudier. Nombre de ces haches sont réalisées dans des roches métamorphiques dont les géologues savent souvent identifier la provenance précise, ce qui permet ensuite aux préhistoriens de reconstituer des voies commerciales préhistoriques.
Mais une fois que ces objets sont sortis des sites, et sans localisation exacte indiquée, cela devient impossible, et ce sont alors des pages entières de l’histoire du pays qui sont définitivement effacées. C’est particulièrement dommageable en ce qui concerne les sites sahariens, dans un milieu particulièrement fragile dont l’évolution est très importante à étudier dans le cadre des changements climatiques sur le long terme.
S’agissant des meules, dont plusieurs figurent aussi parmi les objets restitués, on sait maintenant retrouver à leur surface des restes végétaux ou minéraux microscopiques permettant de préciser à quoi elles ont été utilisées… mais une fois que les objets se sont frottés les uns contre les autres dans une boîte, ou bien qu’ils ont été énergiquement lavés pour les rendre plus « présentables » aux yeux des collectionneurs, cette possibilité disparaît.
Gravures rupestres
Le pire concerne les gravures rupestres, dont plusieurs exemplaires se trouvent malheureusement dans ce lot. Il faut bien réaliser que pour obtenir de tels fragments, il faut détruire de larges parties des sites. Pour chaque gravure rupestre ou fragment de gravure récupéré, de nombreuses gravures du site sont irrémédiablement détruites ou endommagées au cours du processus de prélèvement. S’en prendre à des sites rupestres de cette façon, c’est très exactement comme si l’on extrayait au marteau piqueur de petits morceaux de la grotte de Lascaux pour les vendre !
Absence de localisation
Et une fois de plus, l’absence de localisation rend toutes ces pièces inutilisables du point de vue scientifique. En fait, on peut dire que l’une des conséquences du pillage est que des documents riches d’information à l’origine sont subitement transformés en cailloux sans valeur. Il résulte de tout cela que le préjudice causé par ces pillages dépasse donc de loin la seule accumulation des objets présentés.
Dans ces conditions, la restitution de ces objets revêt une importance toute particulière. C’est en effet une occasion pour informer et sensibiliser le public sur cette forme méconnue de destruction d’un patrimoine qui n’est pas que matériel, puisque les objets doivent être considérés surtout comme des supports d’information sur notre passé plus ou moins lointain.
Médiation culturelle
Puisque ces objets ont désormais perdu leur valeur scientifique, alors il convient de retourner la situation et de l’optimiser au mieux pour au moins faire œuvre de pédagogie. Par exemple, ils pourraient être utilisés pour constituer des « coffrets pédagogiques » à destination des écoles, ou monter de petits musées scolaires, afin que les enfants puissent apprendre à reconnaître les principaux différents types d’objets concernés.
Des musées communaux, ou des centres d’interprétation à proximité des sites rupestres pourraient également utiliser certaines de ces pièces à des fins de sensibilisation du grand public et des communautés locales. De même, ces objets seraient de la plus grande utilité pour contribuer à la formation de toutes les personnes, fonctionnaires, employés, etc., susceptibles d’être en contact avec des sites ou d’être témoins de pratiques douteuses à leur égard.
- Dossier de presse : remise d'objets archéologiques au Royaume du Maroc [PDF]
- Diaporama - Remise de biens culturels au Maroc
- Arrivée au Maroc d'un trésor archéologique saisi par la Douane
- La douane française mobilisée contre le trafic de biens culturels
- La douane française dans sa lutte contre la fraude et les trafics