Démarche
Utiliser la connaissance de l'importateur
Dans le cadre de certains accords commerciaux(1), l’importateur peut choisir de solliciter la préférence tarifaire en se fondant sur les informations qu’il détient et qui lui permettent d’affirmer l’origine préférentielle des marchandises qu’il souhaite importer. Cette possibilité introduite dans les accords les plus récents s’appelle la « connaissance de l'importateur » et peut être utilisée à la place d'une attestation/déclaration d'origine.
Pour rappel :
- La préférence tarifaire permet de bénéficier de droits de douane réduits ou nuls à l’importation.
- L'origine est déterminée par les conditions de fabrication du produit. Cette notion est à distinguer de la provenance qui renvoie au flux logistique et au dernier pays d’expédition.
(1) Accord UE-Japon et accord UE-Royaume-Uni pour l’instant
Que signifie la connaissance de l’importateur ?
L’importateur sollicite l’origine préférentielle au moment du dépôt de la déclaration en douane d’importation, avant ou après la mainlevée des produits mais au plus tard trois ans après la date d’importation. Ou dans un délai plus long si spécifié dans les lois et réglementations de la Partie importatrice. Dans l’UE, l’article 121§1 a) du CDU prévoit trois ans.
Dans DELTA, le déclarant indique le code 300 en case 36 « Préférence » et le code U112 (accord UE-Japon) ou U117 (accord UE-Royaume-Uni) en case 44 pour signifier que la préférence est sollicitée sur la base de la connaissance de l’importateur. Par cette mention, l’importateur (et son représentant en douane en cas de représentation indirecte) supporte l’entière responsabilité quant à la preuve du caractère originaire des marchandises importées.
Dans la mesure où l’importateur utilise ses propres connaissances, aucune déclaration/attestation d'origine n'est présentée à l’appui de la déclaration d’importation.
Toutefois, l’importateur doit disposer d’informations précises et tangibles attestant de l’origine préférentielle du produit importé, à présenter en cas de contrôle.
La connaissance de l’importateur suppose que l’exportateur ou le fabricant du produit lui fournisse ces preuves.
Il doit en effet disposer de documents permettant à l’autorité douanière du pays d’importation de vérifier l’origine des marchandises, car les autorités du pays d’exportation ne seront pas sollicitées pour diligenter un contrôle auprès de l’exportateur et/ou du fabricant (pas de coopération administrative comme cela existe lors de la vérification d’une déclaration/attestation d’origine).
Quelles en sont les conséquences pour l'importateur ?
En cas d’utilisation de la connaissance de l’importateur, ce dernier doit détenir et conserver les justificatifs de l’origine préférentielle sur une période fixée par l'accord commercial et les présenter aux autorités douanières de la Partie importatrice si celles-ci les lui demandent.
La connaissance de l’importateur est une dispense d’attestation/déclaration d’origine mais pas une exemption de détenir des preuves tangibles sur l’origine préférentielle des produits.
Si l’importateur n’a pas en sa possession de documents démontrant l’origine du produit (l’exportateur invoque la confidentialité du processus de fabrication par exemple) ou s’ils sont imprécis, il ne doit pas solliciter la préférence tarifaire sur la base de la connaissance de l’importateur, au risque d’être sanctionné.
Recommandations : Les importateurs de l’UE qui choisissent cette modalité de sollicitation de la préférence tarifaire devraient anticiper, dans les contrats commerciaux avec leurs fournisseurs, la communication des informations et documents établissant l’origine préférentielle des marchandises importées. De plus, si l’importateur fait appel à un représentant en douane, il devrait formaliser dans le contrat de services ou le mandat de représentation les modalités de sollicitation de la préférence tarifaire, notamment si la connaissance de l’importateur peut être utilisée, et si oui dans quelles conditions. |
Comment se passe le contrôle de la connaissance de l'importateur ?
A) Une procédure en deux temps
Première phase :
L’autorité douanière de la Partie importatrice peut vérifier si un produit est originaire au sens du chapitre origine de l’accord commercial sollicité ou si les autres conditions dudit chapitre sont satisfaites.
Si la préférence tarifaire a été sollicitée par la connaissance de l’importateur, les informations listées au point B) peuvent être demandées. L’opérateur dispose de trois mois pour les fournir à la douane du pays d’importation.
Seconde phase :
A l’issue de ce délai, si la douane de la Partie importatrice juge que des informations complémentaires sont nécessaires, elle peut à nouveau solliciter l’opérateur pour obtenir ces éléments complémentaires ainsi que des documents ou informations spécifiques. Le délai de réponse est à nouveau de trois mois.
La préférence tarifaire est refusée à l’issue de la première phase ou de la seconde phase si aucune réponse n’est apportée par l’importateur dans les délais prévus ou si les informations transmises sont insuffisantes pour confirmer le caractère originaire du produit.
L’autorité douanière de la Partie importatrice peut aussi refuser le traitement tarifaire préférentiel à un produit lorsque l’importateur ne satisfait pas aux exigences du chapitre/protocole origine, autres que celles concernant le caractère originaire des produits.
B) Les informations à fournir dépendent des règles d’origine applicables
La nature des documents et informations probants varie d’un produit à un autre, en fonction de son processus de fabrication et de la règle d’origine applicable.
Il convient de rappeler que les règles d’origine par produit s’appliquent aux matières non originaires du dernier pays de transformation. Le but est de vérifier si une transformation suffisante (définie par la règle d’origine associée au produit) a été effectuée dans le dernier pays de transformation.
Entière obtention :
Cette situation vise trois cas :
- Le produit est entièrement obtenu au sens de l’accord.
- Le produit est fabriqué dans le pays partenaire avec uniquement des matières originaires de ce pays au sens de l’accord.
- La règle d’origine applicable requiert qu’une matière soit entièrement obtenue. En général, cette notion se rapporte aux produits du règne végétal et animal, par exemple les fruits et légumes cultivés ou récoltés dans le pays d’exportation ou les produits minéraux qui y sont exploités.
Exemple - Accord UE-Royaume-Uni (annexe 3) :
Chapitre 7 | Légumes, plantes, racines et tubercules alimentaires |
07.01-07.14 | Production dans laquelle toutes les matières du chapitre 7 mises en œuvre sont entièrement obtenues. |
Les légumes doivent être cultivés ou récoltés au Royaume-Uni pour obtenir l'origine préférentielle GB à l'importation dans l'UE.
L’importateur doit détenir les documents justifiant que les produits sont été entièrement obtenus au Royaume-Uni.
Règle fondée sur un changement de position tarifaire :
Il s’agit de prouver que la transformation réalisée sur toutes les matières non originaires - sauf si la règle prévoit une exception - aboutit à un produit classé à une position tarifaire différente de celles des matières non originaires.
Le changement peut être demandé au niveau du chapitre (les 2 premiers chiffres du système harmonisé), de la position tarifaire (4 chiffres) ou sous-position tarifaire (6 chiffres).
Pour prouver que cette règle est respectée, l’importateur doit donc connaître le classement tarifaire des matières non originaires utilisées dans la fabrication du produit fini importé ainsi que leur origine.
Exemple - Accord UE-Japon (annexe 3-B) :
Chapitre 91 | Horlogerie |
9113.90 | CP (changement de position tarifaire) |
Un bracelet de montre en tissu fabriqué au Japon peut être composé de matières non originaires du Japon si ces matières sont classées à une position tarifaire différente du bracelet de montre (donc différente de la position 9113). Ainsi, du tissu non originaire du Japon peut être utilisé si, au moment où il est incorporé au produit fini, il n’est pas déjà classé au 9113, c’est-à-dire que ce n’est pas déjà un bracelet ou une partie de bracelet de montre.
L’importateur doit donc détenir les informations relatives à la fabrication des bracelets et aux matières utilisées.
Règle fondée sur la valeur :
Il s’agit en général d’une règle fixant une valeur maximale de matières non originaires, exprimée en pourcentage du prix départ usine du produit. Il peut également s’agir d’une valeur ajoutée minimale à respecter dans le dernier pays de transformation.
Exemple - Accord UE-Royaume-Uni (annexe 3) :
Chapitre 66 | Parapluies, ombrelles, parasols, cannes, cannes-sièges, fouets, cravaches et leurs parties |
66.01-66.03 |
CPT; ou MaxMNO 50% (PDU). |
Les parapluies fabriqués au Royaume-Uni peuvent obtenir l’origine préférentielle GB si la dernière transformation effectuée au Royaume-Uni conduit à un changement de position tarifaire (CPT) entre les matières non originaires et le produit fini ou si la valeur des matières non originaires utilisées n’excède pas 50 % du prix départ usine (prix ex-work) du produit.
L’importateur doit détenir les informations permettant de vérifier le changement de position tarifaire ou le maximum de matières non originaires.
S’il n’a pas les informations sur le classement tarifaire ou si la règle de changement de position tarifaire n’est pas respectée, il peut remplir la seconde règle si la valeur des matières non originaires du Royaume-Uni utilisées ne dépasse pas 50 % du prix départ usine du parapluie. Il doit être en possession de documents sur lesquels apparaissent le prix départ usine du produit et la valeur des matières utilisées.
Règle fondée sur le poids :
Il s’agit d’une règle fixant un seuil maximal de matières non originaires, exprimée en pourcentage du poids du produit fini.
Exemple - Accord UE-Japon (annexe 3-B) :
17.04 | CP, à condition que le poids total des matières non originaires mises en œuvre relevant des positions 17.01 et 17.02 ne dépasse pas 40% du poids du produit. |
Pour obtenir une origine préférentielle Japon à l’import dans l’UE, un chewing-gum (position tarifaire 1704) doit subir un changement de position tarifaire lors de sa dernière transformation au Japon et le poids des sucres non originaires (relevant des positions tarifaires 1701 et 1702) ne doit pas dépasser 40 % du poids du produit.
Règle fondée sur un processus de fabrication :
Il s’agit d’une règle exigeant des transformations spécifiques sur les matières non originaires pour que soit conférée l’origine préférentielle au sens de l’accord. C’est une règle fréquente dans le secteur du textile et de l’habillement ainsi que dans le secteur chimique.
Exemples : le rechapage de pneumatiques usagés, une réaction chimique spécifique, une fabrication à partir de fils (le tissage et toutes les étapes suivantes doivent être réalisées dans la Partie pour conférer l’origine préférentielle de cette Partie), confection complète (toutes les étapes qui suivent la coupe du tissu doivent y être réalisées), etc.
Dans cette situation, l’importateur doit détenir les documents permettant d’établir que la transformation exigée par l’accord a bien été effectuée dans le pays partenaire
Quelle que soit la règle d’origine applicable, l’importateur devra également prouver la non-manipulation/non-modification du produit en pays tiers si le pays d’importation le demande.
C) Nature des documents permettant de prouver la connaissance de l’importateur
Les documents à fournir dépendent de la règle applicable et sont très variables selon le secteur d’activité.
Il n’existe pas de liste exhaustive : tous les documents sont admissibles dès lors qu’ils permettent d’établir l’origine du produit importé.
A titre indicatif peuvent être présentés :
- Des extraits de registre
- Des extraits de comptabilité
- Des fiches techniques, des schémas de production, des photographies
- Des documents officiels (sanitaires, vétérinaires, miniers, conformité, etc...)
- Un titre de propriété industrielle
- Une indication géographique
- Des rescrits sur l’origine ou le classement délivrés par le pays partenaire
- Des factures, listes de colisage
- Des déclarations en douane, etc...
La recevabilité des documents est laissée à l’appréciation du service.
Ainsi, pris isolément, un tableur, des photographies du processus de fabrication ou une déclaration du fournisseur ne permettent pas d’apprécier la réalité ni les lieux de fabrication. Il convient de pouvoir rapporter ce type de documents à des données commerciales ou contractuelles. En ce sens, l’attention de l’importateur est appelée sur les produits venant d’un fournisseur non-fabricant. L’’importateur ne pourra pas solliciter la connaissance de l’importateur à moins d’être en capacité d’obtenir via ce fournisseur-revendeur des éléments reliés au fabricant tels que requis au III C).
Autres notions :
- La prise en compte des emballages dépend de chaque accord.
- Le cumul permet de faciliter l’acquisition de l’origine préférentielle par l’utilisation de matières originaires du pays partenaire à l’accord sollicité ou en effectuant les transformations requises sur les matières d’origine tierce dans les pays Parties à l’accord. Les types de cumul possibles dépendent également des dispositions prévues à l’accord.
- Des tolérances d’incorporation permettent de conférer l’origine préférentielle même si la règle de liste n’est pas respectée, à condition que les matières non originaires ne dépassent pas un certain pourcentage en poids ou en valeur (cela dépend de la position tarifaire du produit et du type de règle d’origine).
Quels documents fournir pour solliciter la préférence tarifaire a posteriori / obtenir un remboursement des droits de douane sur la base de la connaissance de l’importateur ?
En application de l’article 22 § 1 et de l’article 13 § 1 du règlement délégué (UE) 2015/2446, après l’acceptation de la demande de remboursement, le service peut demander les informations ou les documents qu’il estime nécessaires pour lui permettre d’arrêter une décision.
S’il n’existe pas de liste exhaustive de pièces justificatives à fournir en matière de remboursement, les pièces suivantes sont fréquemment demandées :
- Copie de la déclaration rectifiée (conformément à l’article 173 du Code des douanes de l’Union - CDU).
- Factures
- Contrat de vente/contrat commercial
- Détail de valeur
- Fiches techniques de produits (processus de fabrication)
- Documents de transport etc...
Rappel de procédure : Conformément à l’article 121 du CDU, une demande de remboursement peut être formulée dans un délai de trois ans à compter de la notification de la dette douanière.
Toutefois, la sollicitation a posteriori d’une préférence tarifaire et du remboursement qui peut en découler demeurent des procédures exceptionnelles offertes aux opérateurs.
En effet, l’article 15.2 du CDU mentionne que « le dépôt d’une déclaration en douane (..) rend la personne concernée responsable de tout ce qui suit :
- De l’exactitude et du caractère complet des renseignements fournis dans la déclaration, la notification ou la demande.
- De l'authenticité, de l'exactitude et de la validité des documents accompagnant la déclaration, la notification ou la demande.
- Le cas échéant, de la conformité à l'ensemble des obligations se rapportant au placement des marchandises en question sous le régime douanier en cause, ou à l'exécution des opérations autorisées ».
En conséquence, la communication du régime préférentiel d’une marchandise par l’opérateur ou son représentant doit normalement être effectuée dès l’opération d’importation.
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