La base première pour la détermination de la valeur en douane des marchandises importées est la valeur transactionnelle.
L’utilisation de la méthode de la valeur transactionnelle implique que la marchandise à évaluer ait fait l’objet d’une vente permettant de déterminer le « prix effectivement payé ou à payer » au moment de l’importation des marchandises.
L’assiette de la TVA à l’importation est, quant à elle, établie à partir de la valeur en douane en vertu de l’article 292 du Code Général des Impôts.
Sommaire
- La notion de vente
- Les opérations qui ne sont pas des ventes
- La notion de « vente pour l’exportation vers le territoire douanier de l’Union »
- Les ventes multiples avant l’importation
- Le moment de la vente
- Le cas particulier des ventes réalisées sous dépôt temporaire et sous régime douanier suspensif
- Les critères d’acceptabilité de la vente pour déterminer la valeur transactionnelle
- Les documents et informations à fournir comme preuve pour l’utilisation de la valeur transactionnelle
Bases réglementaires :
- Article 70 du Code des Douanes de l’Union
- Articles 128, 129, 133, 134 et 145 du Règlement d’Exécution 2015/2477 de la Commission
Instruments UE / OMD :
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Conclusion 5 du Groupe d'Experts sur la valeur (UE)
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Commentaire 6 du Groupe d’Experts sur la valeur (UE)
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Commentaire 22.1 du Groupe d’Experts sur la valeur (UE)
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Avis consultatif 1-1 du CTED - Organisation mondiale des douanes
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Avis consultatif 14-1 du CTED - Organisation mondiale des douanes
1. La notion de vente
La valeur des marchandises qui ne font pas l'objet d'une vente ne peut être déterminée en utilisant la méthode de la valeur transactionnelle prévue à l'article 70 du CDU.
La vente n’est définie, ni par la réglementation douanière européenne, ni par l’Organisation Mondiale des Douanes.
Pour autant, toute transaction économiquement justifiée et légalement qualifiée de vente doit être considérée, de la manière la plus large possible, comme une vente au sens de l’article 70§1 du CDU. Ainsi, la valeur en douane reflétera, du mieux possible, la valeur économique réelle des marchandises importées1.
En des termes généraux, la vente est un transfert de propriété en contrepartie du paiement d’un prix consenti entre les parties.
Une définition est donnée par la Convention des Nations-Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises - 1980 - article 3 : « Sont réputés ventes les contrats de fourniture de marchandises à fabriquer ou à produire, à moins que la partie qui commande celles-ci n’ait à fournir une part essentielle des éléments matériels nécessaires à cette fabrication ou production ».
Le Comité Technique de l’Évaluation en Douane (CTED) de l'OMD détermine les opérations qui, par nature, ne sont pas des ventes.
2. Les opérations qui ne sont pas des ventes
L’avis 1-1 du CTED de l’OMD défini ce que n’est pas une vente. Si l’opération d’importation s’inscrit dans l’une des situations mentionnées infra, la méthode de la valeur transactionnelle ne peut être retenue.
Les livraisons gratuites
Lorsque la cession de biens est sans paiement, elle ne peut être considérée comme une vente. C’est le cas des cadeaux, échantillons, prototypes et articles publicitaires pour lesquels il n’existe pas de valeur transactionnelle.
Pour les marchandises gratuites accompagnant des marchandises payantes - voir le point dédié.
Les marchandises importées sous le régime commercial de la consignation
Il s'agit de marchandises importées sans avoir été vendues mais dans l’intention qu’elles le soient au meilleur prix pour le compte du fournisseur.
Lors de l’importation, aucune vente n’a eu lieu et les marchandises demeurent la propriété du fournisseur étranger, tant qu’elles n’ont pas été vendues au meilleur prix par l’intermédiaire (commissionnaire ou mandataire). Il n’existe donc pas de valeur transactionnelle au moment de l’importation.
Les marchandises importées par des intermédiaires non achetées mais stockées
Ce sont des marchandises qui, au moment du dédouanement, n’ont pas fait l’objet d’une vente mais sont expédiées par le fournisseur à son agent pour être, en général, stockées puis vendues, après importation, pour le compte et au risque du fournisseur. Il n’existe pas de valeur transactionnelle au moment de l’importation.
Les marchandises importées par des succursales sans personnalité juridique propre
Une vente implique nécessairement une transaction entre deux personnes distinctes.
Une succursale n’ayant pas de personnalité juridique propre, il ne peut y avoir de vente.
La livraison à une succursale ne constitue qu’un transfert de marchandises au sein d’une même entité juridique.
L’importation réalisée par une succursale ne peut reposer sur la valeur transactionnelle, que si elle fait suite à une vente, par la société exportatrice (par l’intermédiaire ou non de la succursale) à une personne distincte de la succursale (le client final).
Lorsque l’exportateur est une succursale et qu’il est en mesure de conclure une vente en son nom propre en vertu de la législation particulière qui régit son statut, la vente pourra être caractérisée.
Pour plus d’informations, se référer à la Conclusion 5 du Comité du code des douanes – Section valeur en douane.
Les marchandises importées en exécution d’un contrat de location-vente
Les locations et crédit-bail, même assorties d’une option d’achat des marchandises louées (location-achat), ne constituent pas des ventes. Il n’existe donc pas de valeur transactionnelle au moment de l’importation.
Pour l’évaluation de marchandises faisant l’objet de locations, crédit-bail, voir le point dédié.
Les marchandises prêtées restant la propriété de l’expéditeur
Lorsque les marchandises sont prêtées par leur propriétaire à un client, cela ne constitue pas une vente.
Les déchets ou débris importés pour être détruits dans le pays d’importation
L’importation de déchets destinés à être détruits représente souvent un coût pour l’exportateur.
L’importateur ne paie pas les marchandises importées mais perçoit, au contraire, une rémunération pour les prendre en charge et les détruire, cette prestation de service n’est pas une vente et n’est pas constitutive de la valeur en douane des marchandises.
Les marchandises faisant l’objet de troc ou d’opérations compensées
Les opérations de troc sont des transactions totalement ou partiellement exprimées dans des termes autres que monétaires. Il peut s’agir d’un échange de biens de valeur approximativement équivalente ou d’une opération exprimée en termes monétaires mais ne donnant pas lieu (ou partiellement) à un règlement financier.
Les opérations ne prévoyant pas de règlement financier ne peuvent être considérées comme des ventes.
Lorsque le paiement est effectué en partie au moyen de marchandises et en partie au moyen d’un règlement financier, la vente est considérée comme subordonnée à des prestations. Si la valeur de cette prestation n’est pas déterminable, la vente n’est pas acceptable aux fins de l’évaluation en douane.
Si la valeur de cette prestation est déterminable, elle s’ajoute au prix payé.
3. La vente doit avoir été conclue dans le but d’exporter la marchandise vers le territoire douanier de l’Union (TDU)
Pour permettre l’évaluation en douane, conformément à l’article 70 du CDU, une vente doit avoir été conclue, dans le but d’exporter la marchandise vers le TDU (du point de vue de l’exportateur).
Seules les ventes générant une opération d’exportation de marchandises d’un pays tiers vers le TDU peuvent être retenues.
Le critère de détermination de la « vente à destination du TDU »
Il existe une présomption simple de vente pour l’exportation à destination du TDU dès qu’une déclaration en douane dans le TDU a été validée.
Pour qu’une vente puisse être prise en compte, il y a une obligation pour le déclarant en douane d’être résidant UE ou d’y travailler et d’y détenir tous les documents commerciaux relatifs à la vente.
Une vente entre deux personnes situées dans l’UE ou dans un pays tiers ne peut constituer une vente à l’exportation vers le TDU que si la transaction a été conclue avant l’introduction de la marchandise sur ce TDU et si les marchandises sont introduites à la suite de cette transaction.
Le vendeur, tout comme l'acheteur, ne sont pas obligatoirement expéditeurs, ni destinataires de la marchandise.
Exemple 1 :
Le vendeur S établi dans le pays d’exportation (X) conclut un contrat de vente avec l’importateur A au prix de 6 euros l’unité. Le vendeur S se fournit auprès du fabricant M établi dans le pays X qui vend ses marchandises au vendeur S à 5 euros. Le fabricant M expédie pour le compte du vendeur S les marchandises dans le pays d'importation.
Seule la vente entre S et A représente un transfert effectif des marchandises à l’échelon international. Elle pourrait être retenue comme valeur transactionnelle.
Exemple 2 :
L’acheteur B, établi dans le pays d’importation I achète des marchandises au vendeur S, également établi dans le pays d’importation. Les marchandises sont stockées dans le pays X. Après la vente, les marchandises sont exportées dans le pays I.
Il n’est pas indispensable que la vente ait lieu dans un pays d’exportation déterminé. Peu importe que le vendeur soit établi dans le pays X ou I ou dans un autre pays. La transaction entre le vendeur S et l’acheteur B est une vente pour l’exportation à destination du pays d’importation. Elle pourrait être retenue comme valeur transactionnelle.
Exemple 3 :
L’acheteur A dans le pays I achète 500 chaises au prix de 20 euros l’unité. L’acheteur A donne pour instruction au vendeur S de lui expédier 200 chaises pour son propre usage dans le pays I et 300 chaises dans un entrepôt situé dans le pays X. L’acheteur A décide ultérieurement de vendre les 300 chaises restantes à l’acheteur B dans le pays I pour 25 euros l’unité. L’acheteur 1 donne alors pour instruction d’expédier les marchandises directement à l’acheteur 2 dans le pays I.
Dans cet exemple, il existe deux cas où les marchandises doivent être évaluées :
- Dans le premier cas, la transaction entre le vendeur S et l’acheteur A, à 20 euros l’unité, constituerait une vente pour l’exportation à destination du pays d’importation et serait la base de l’évaluation des 200 chaises.
- Dans le second cas, le prix de vente de 20 euros des marchandises placées en entrepôt n’entre pas en ligne de compte aux fins de l’évaluation étant donné que les marchandises en cause n’ont pas été vendues pour l’exportation à destination du pays I. La vente entre l’acheteur A et l’acheteur B à 25 euros l’unité constitue la vente de référence.
4. En cas de ventes multiples avant l’importation
Dans un schéma commercial impliquant plusieurs ventes avant l’importation, l’article 128§1 du REC permet de déterminer la vente à retenir en précisant que : « la valeur transactionnelle des marchandises vendues pour l’exportation à destination du territoire douanier de l’Union est fixée au moment de l’acceptation de la déclaration en douane, sur la base de la vente intervenue immédiatement avant que les marchandises aient été introduites sur ce territoire douanier ».
Dès lors, seule la dernière vente, avant l’introduction des marchandises sur le TDU, peut être retenue afin d’évaluer les marchandises importées.
Cette condition est venue mettre fin au mécanisme dit « des ventes successives » qui permettait, sous l'empire du Code des Douanes Communautaire (applicable jusqu’au 1er mai 2016) de retenir une vente antérieure pour l'évaluation en douane.
5. Le moment de la vente
La vente doit obligatoire avoir été conclue avant l’introduction effective des marchandises sur le TDU. Il n'est pas fait référence au moment de détermination de la valeur en douane des marchandises.
La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises dispose, en son article 23 que « le contrat [de vente] est conclu au moment où l’acceptation d’une offre prend effet [...] », c’est-à-dire, lorsqu’elle est acceptée par l’autre partie à la transaction.
6. Le cas particulier des ventes réalisées sous dépôt temporaire et sous régime douanier suspensif
Par principe, seule la dernière vente réalisée avant l’introduction effective des marchandises peut être utilisée comme base de la valeur transactionnelle, pour autant qu’elle ait le caractère de « vente pour l’exportation à destination du TDU ».
En l’absence de vente effectivement conclue avant l’introduction des marchandises sur le TDU, la méthode de la valeur transactionnelle ne pourra être retenue, sauf à ce que l’article 128§2 du REC soit applicable.
Exception – prévue à l’article 128§2 du REC.
Si aucune vente n’est intervenue avant l’introduction des marchandises sur le TDU, mais alors qu’elles se trouvent sous dépôt temporaire (en attente d’un régime douanier) ou sont placées sous un régime particulier autre que le transit interne, la destination particulière ou le perfectionnement passif, la valeur transactionnelle sera déterminée sur la base de cette vente.
Dès lors, la vente pouvant servir de base pour l’évaluation en douane peut avoir été effectuée alors que les marchandises étaient :
- mises en dépôt temporaire ;
- placées sous le régime douanier de l’entrepôt ;
- placées sous le régime du perfectionnement passif ;
- placées sous le régime de l’admission temporaire ;
- placées sous le régime du transit externe.
Cet article 128§2 du REC est à lire à la lumière de l’article 128§1, notamment dans le cadre de ventes multiples, intervenues sous un des régimes douaniers précités.
Dans cette hypothèse, la vente à retenir est, en principe, la première vente intervenue sous dépôt temporaire ou régime particulier. En fonction des circonstances, une vente postérieure pourra être retenue si les éléments de prix et la facture de la première vente ne sont pas connus lors du dédouanement.
Sur le point spécifique tenant à l’évaluation de marchandises placées sous le régime de l’entrepôt douanier, en vertu des dispositions de l’article 86 du CDU, les coûts supportés dans le TDU par suite du stockage ou de l’exécution de manipulations usuelles ou la plus-value acquise ne sont pas pris en considération dans le calcul des droits à l’importation si le déclarant est en mesure de fournir des éléments justificatifs suffisants.
Dès lors, il appartiendra à l’opérateur de distinguer ces coûts s’ils sont inclus dans le prix payé ou à payer par l’acheteur final.
7. L’acceptabilité de la vente pour déterminer la valeur transactionnelle
Après avoir déterminé que l’opération en question est bien une vente au titre de l’article 70§1 du CDU et qu’elle se réfère aux marchandises importées, plusieurs critères permettent de justifier de son utilisation.
1er critère
Cette vente doit répondre aux trois conditions d'acceptabilité exigés par l'article 70§3 du CDU :
- qu’il n’existe pas de restrictions concernant la cession ou l’utilisation des marchandises autres que l’une quelconque de celles qui :
- sont imposées ou exigées par la loi ou par les autorités publiques de l’Union ;
- limitent la zone géographique dans laquelle les marchandises peuvent être revendues ;
- n’affectent pas substantiellement la valeur en douane des marchandises.
- qu’aucune partie du produit de toute revente, cession ou utilisation ultérieure des marchandises par l’acheteur ne revienne directement ou indirectement au vendeur, sauf si un ajustement approprié peut être opéré au titre de l’article 71§1-d du CDU (c’est-à-dire fondé sur des données objectives et quantitatives) ;
- qu’un éventuel lien entre l’acheteur et le vendeur n’influence pas le prix des marchandises importées.
2ᵉ critère
La vente doit avoir été conclue en vue de l'exportation des marchandises à destination du TDU
Bien entendu, cela implique une opération d'importation, mais sans préjudice du lieu où se situe l'acheteur et le vendeur. Il est important de dissocier le flux financier (transaction) du flux physique (importation).
3ᵉ critère
La vente doit être celle qui est intervenue « immédiatement » avant l'introduction des marchandises sur le TDU, sous réserve des dispositions de l'article 128§2 du REC.
8. Les documents et informations à fournir comme preuve pour l’utilisation de la valeur transactionnelle
- Un principe essentiel : le déclarant doit fournir toutes les informations nécessaires à la détermination de la valeur en douane des marchandises importées. Le droit dont disposent les services des douanes à exiger des documents ou informations à l’appui d’une déclaration en douane est énoncé à l’article 15 du CDU.
- Une copie de la facture commerciale qui se rapporte à la vente de référence est requise comme document d’accompagnement de la déclaration en douane (article 145 du REC). Elle devra être présentée à première réquisition des services.
Si une vente a été réalisée sans facture, le déclarant devra être en mesure de présenter tout document susceptible d’être considéré comme équivalent à la facture.
En cas d’indisponibilité de la facture commerciale à l’occasion du dédouanement, les factures « pro-forma » ou équivalent ne peuvent être considérées comme des factures commerciales, elles doivent être remplacées, ultérieurement, par la facture définitive. Le déclarant aura, dès lors, la possibilité de solliciter la procédure de la soumission cautionnée D48 ou la délivrance d’une autorisation de valeur provisoire. - Les contrats de vente peuvent être utilisés et exigés par les services douaniers pour déterminer l’acceptabilité d’une vente. C'est également le cas pour d’autres éléments (monnaie dans laquelle le prix est exprimé, activités entreprises après l’importation, frais relatifs aux droits de reproduire les marchandises importées, etc.).
- Les documents comptables ainsi que tout document utile à la détermination de la valeur en douane peuvent être demandés / fournis pour justifier de la vente utilisée dans la cadre de la méthode transactionnelle.
Pour plus d’informations à ce sujet, se référer au Commentaire 6 du Comité du Code des Douanes (UE) relatifs aux informations et documents à présenter au service des douanes à l’appui d’une déclaration de la valeur en douane.
Pour conclure, en vertu des dispositions de l’article 140 du REC, lorsque les autorités douanières ne sont pas convaincues, sur la base de doutes fondés, que la valeur transactionnelle déclarée représente le montant total payé ou à payer défini à l’article 70§1 du CDU, elles peuvent, après avoir demandé des informations supplémentaires, décider que la valeur des marchandises ne peut être déterminée conformément à l’article 70§1 du code.
À titre d’exemple, la CJUE a jugé par son arrêt Carboni e derivati Srl v Ministero dell’Economia e delle Finanze, Riunione Adriatica di Sicurtà Spa du 28 février 2008, Affaire C-263/06, que les autorités étaient en droit d’utiliser une vente antérieure à celle prise en référence lors de l’importation en cas de rejet de la valeur déclarée pour « doutes fondés » selon la méthode du « dernier recours », lorsqu’ils n’avaient pas de raison de penser que cette vente ne remplissait pas les critères susvisés.
Note :
1 Arrêt C-116/12, Christodoulou e.a., point 40.